1e Partie : La Périodisation tactique : Guardiola et Mourinho enfin unis !

La périodisation tactique est une idée révolutionnaire adoptée par les meilleurs entraineurs au monde. Il s’agit de penser le football comme un ensemble complexe au lieu de le fractionner. L’intérêt dans ce jeu tient plus dans les liens entre ses composantes que dans ses composantes propres. José Mourinho et Pep Guardiola, tant opposés au cours de leur carrière, sont deux figures essentielles de la périodisation tactique, véritable symbole d’union entre l’Espagne et le Portugal. Cette 1e partie revient sur le pourquoi.

Le football est une allégorie de la vie. Il représente une plateforme émotionnelle inédite, où les sciences humaines s’entremêlent. Les mathématiques, la physique, la médecine, la physiologie, la psychologie et la philosophie s’y côtoient, parce que le football existe par l’homme et pour lui-même. Il y déverse ses sentiments et ses idées, ses ambitions et ses appréhensions ; son être. Le jeu inspire et s’inspire de la connexion entre émotions et fonctions cognitives. L’intellect, la connaissance et l’émotion constituent le triptyque de la compréhension du jeu.

L’esprit humain est au centre du jeu. La culture trouve dans le football une scène particulière. Manuel Sergio, théoricien portugais du sport et maitre de José Mourinho, est l’un des premiers à défendre cette approche globale : « Le football n’est pas une activité physique, c’est une activité humaine. Il doit être appréhendé en termes de complexité et de totalité ». De son point de vue, la culture est essentielle. « L’art, c’est l’intelligence qui s’amuse », comme nous le fait savoir Einstein. L’art nous fait explorer des situations imaginaires et permet à l’imagination de remplacer l’esprit. Les sciences valident nos thèses.

Les sciences et l’art érigent un monde dont le football est protagoniste. Pour améliorer et perfectionner ses déductions, véritées et connaissances, il faut les confronter sans cesse : « le doute est le signe de la certitude. » Elargir les possibilités. Explorer diverses options. Rechercher des liens entre les disciplines. Connecter les champs de connaissances. Chercher des exemples aux idées et, surtout, mieux comprendre notre environnement. Il est impératif d’abattre les barrières entre le football et le monde vivant afin de bénéficier de la complémentarité entre nos champs de connaissances. C’est le seul moyen, pour le jeu, d’enclencher le processus d’introspection.

La culture pourvoit aux besoins évolutifs des sciences et des arts afin de satisfaire l’insatiable curiosité humaine. L’art stimule l’instinct face à l’irréel et met l’homme face à d’infinies possibilités. Les sciences remettent en cause les connaissances, valident les théories et créent des parallèles entre les disciplines. Les deux (art et science) coexistent donc pour équiper l’esprit humain dans son développement : l’abstrait et le concret, l’imaginaire et le réel, l’impossible et le réel. C’est une fois de plus la philosophie qui s’exprime à travers le dualisme : l’opposition dans la complémentarité. Et sur une note poétique de Victor Hugo s’illustre l’harmonie, union des contraires : «Je suis blanc et tu es noir mais le jour a besoin de s’unir à la nuit pour enfanter l’aurore et le couchant qui sont plus beaux qu’eux.»

Le football est l’interaction des paramètres mental, tactique, technique et physique, dans un cadre spatio-temporel défini. A chaque instant du match, les acteurs prennent des décisions selon tous ces facteurs. Il est impossible de concevoir le football en ne se concentrant que sur un unique aspect. Comme le dit Victor Frade,  « Ce n’est pas une somme de choses. Si tu fais cela, plus cela, tu acquières ça.  Au contraire, le coach doit considérer tous les aspects du joueur et de l’équipe. Le football n’est pas un processus linéaire, n’est pas bidimensionnel, il est multidimensionnel ».

La qualité technique s’exprime selon les capacités physiques, selon la disposition mental et l’arrangement tactique. Le mental est affecté par les réussites et échecs techniques, la cohérence et l’incohérence tactique de son équipe et de l’adversaire, la fraicheur physique. Le jeu est donc considéré dans son intégralité, car chaque action et décision entraine une chaine de réactions, de cycles et de nouvelles interactions.

S’entrainer en disjoignant les aspects (physique, technique, mental et tactique) est donc inadapté. Le jeu existe par leurs interactions. Juanma Lillo, l’un des maitres de la périodisation tactique souligne l’importance de la globalité et de la complexité : « Vous ne pouvez pas mettre les choses en dehors de leur contexte, auquel cas elles ne signifient plus grand-chose, même si vous prévoyez ensuite de les reconstituer […] Comment pouvez-vous être plus fort en football sans jouer au football ? Si vous courez, vous vous entraînez à courir, pas à jouer au football. Si vous courez, vous serez en meilleure santé parce que merde, c’est bon pour la santé de courir. Mais ça ne signifie pas que vous serez un meilleur footballeur sans prise en compte du contexte ».

Le football obéit donc au concept de la pensée complexe défini par Edgar Morin, philosophe français et ami de Guardiola : « Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin élémentaire du mot « complexus », « ce qui est tissé ensemble ». Les constituants sont différents, mais il faut voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble. Le vrai problème, c’est que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier. Relier, c’est-à-dire pas seulement établir bout à bout une connexion, mais établir une connexion qui se fait en boucle. Du reste, dans le mot relier, il y a le « re », c’est le retour de la boucle sur elle-même. Or la boucle est autoproductive. La connaissance doit avoir aujourd’hui des instruments, des concepts fondamentaux qui permettront de relier. »

L’ensemble des situations probables dans lequel le joueur peut être impliqué est de l’ordre de l’infini. Entrainer le joueur à chaque cas est impossible, surtout que le hasard, l’aléatoire et l’imprévisibilité sont considérables au football.« L’imprévu n’est pas un accident. C’était la base du travail. La stratégie était donc une façon de se préparer à l’inattendu » explique aussi Juanma Lillo.

La solution ? Intervenir sur le cerveau du joueur, via une approche hollistique, afin de conformiser son action aux idées de jeu collectif. Le futur du football passe par le développement de l’intelligence collective.

Le but est de permettre au footballeur de réfléchir de façon autonome, compte-tenu du collectif et de l’adversité. « Ma méthodologie est globale. Nous travaillons les aspects physiques, techniques et tactiques en même temps. Je crois qu’il est plus productif de travailler la dimension physique dans des situations, au lieu de le faire séparément, parce que les joueurs sont plus motivés pour courir quand il s’agit de faire ce qu’ils aiment, c’est-à-dire, jouer au football. Pour cela, il faut être toujours au contact de la balle » détaille Leonardo Jardim, l’entraineur portugais de l’AS Monaco. Une réflexion partagée par Alain Casanova, qui décrit la périodisation tactique comme : « donner à l’équipe les moyens de gagner, en permettant à tous les joueurs de lire le jeu de la même manière.« 

Une assemblée de penseurs, de théoriciens et d’acteurs du football ont perfectionné la périodisation tactique dont :

  • Manuel Sergio (professeur de philosophie)
  • Victor Frade (professeur des sciences du sport)
  • Paco Seirul-Lo (préparateur physique)
  • Juanma Lillo (entraineur professionnel)

Ils ont été des inspirations pour José Mourinho et Pep Guardiola. Une étude sur leurs travaux sur la périodisation tactique constituera la seconde partie de notre trilogie sur la périodisation tactique.

Les citations ont été tirées de l’article suivant : http://yourzone.beinsports.fr/football-manuel-sergio-vitor-frade-penser-la-globalite-117821/

40 réflexions sur “1e Partie : La Périodisation tactique : Guardiola et Mourinho enfin unis !

  1. Cet article est savoureux. C’est exactement comme ça que j’envisage le football. C’est un art et une science à la fois. L’instinct et le talent ne suffisent pas. Il faut trouver la bonne alchimie entre plusieurs paramètres. Et pour moi qui supporte le Real Madrid, ça prouve une fois de plus ce que je pense des pauvres aptitudes de ZZ comme coach depuis le début, malgré ses deux LDC remportées. Cette phrase résume bien comment je vois le jeu de l’équipe, et même lors des saisons antérieures : « Le futur du football passe par le développement de l’intelligence collective ». Le Real mise trop sur les qualités individuelles de ses joueurs. Et subit donc les conséquences de plein fouet lorsque les joueurs ne sont pas au top de leur forme. Comme actuellement…

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  2. Merci Midou, c’est un sujet qui me passionne depuis quelques années. J’en ai lu des pages, théorisé pas mal mais là j’avoue, … c’est du tout bon ! UN EXCELLENT niveau de rédaction, de la passion et un brin de poésie. Si je vous dis que je vous ai lu, …. mais alors très bien lu !

    La philosophie tente de répondre à la question « pourquoi ? » tandis que la science à la question « comment ? ». Au football, nous mettons souvent le pourquoi au second plan. Or si l’éclairage ne résout pas un problème, il est au moins une nécessité pour bien voir les choses, gagner du temps et de l’efficacité. Ceux qui l’on compris se régalent.

    Chapeau et bonne chance !

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